Économie et environnement / Haïti : soyons réalistes !

Après avoir enseveli ses morts, Haïti cherche maintenant à obtenir des tentes et des bâches de plastique pour faire passer la saison des pluies à peu près au sec à ses milliers de sans-abris. Mais après, que deviendront tous ces démunis? L'aide internationale participera à la reconstruction des édifices et des infrastructures. Mais après? Les problèmes endémiques propres à ce pays, le plus pauvre hors-Afrique, demeureront-ils sans solution durable?

Haïti présente une densité de population de plus de 360 habitants au km carré, montagnes (déboisées) incluses. En 1985, la population y était de 5 272 000 habitants. En 2005, 8,3 millions. En 25 ans, elle a presque doublé, passant à près de 10 millions. La croissance démographique y est de 3% par année : 300 000 bouches de plus à nourrir chaque année ! Et le charbon de bois qui sert de combustible à la cuisson provient désormais du bois grappillé derrière la frontière, en République dominicaine. Pas de politique agro-alimentaire. Pas de politique environnementale. Pas de politique de la natalité non plus. Et «ses taux de contamination par le VIH, la tuberculose et la malaria figurent parmi les plus élevés du Nouveau Monde*.» Bref, pas joli-joli.

L'article de Wikipédia (Économie) mentionne d'ailleurs que...

Les transferts d’argent de la diaspora demeurent une importance source de devise, représentant un quart du produit intérieur brut et deux fois la valeur des exportations. Haïti souffre d’une inflation élevée et d’un manque d’investissement à cause de l’insécurité, des infrastructures limitées et d'un déficit commercial important. Le gouvernement dépend de l’aide internationale pour financer en partie le budget.

Plus d'un Haïtien sur quatre est sous-alimenté, soit 1,9 million de personnes, selon un rapport du conseil national de la sécurité alimentaire (CNSA) haïtien. Le taux de chômage atteint plus de 65 % de la population active. L’agriculture emploie plus de deux tiers de la population en âge de travailler. Ce sont des fermes de subsistance, de dimensions restreintes, où le café, le cacao, le sisal, le coton, les mangues constituent les principales exportations. L’explosion démographique et le manque de compétitivité par rapport aux produits importés ont affaibli considérablement ce secteur, dont la production se trouve de plus en plus destinée au marché intérieur avec des produits tels le maïs, le riz, les fruits.

On imagine aisément la suite si rien n'est fait : une émigration clandestine encore plus importante vers sa voisine de toujours, la République dominicaine. 12% de la population de la République est d'ailleurs composée de ces réfugiés économiques et environnementaux. Ils y font des boulots de misère, n'ont aucun accès à l'instruction, aux soins de santé et au logement. Saint-Domingue, pas non plus très riche, ne pourra tout de même pas accueillir sans fin la pauvre marmaille de sa si prolifique voisine ! À moins, elle aussi, de voir migrer massivement sa population vers le Continent. Ce qu'elle fait d'ailleurs depuis longtemps : tout comme en Haïti, ceux et celles qui en ont les moyens et l'opportunité fichent le camp, principalement vers les États-Unis où ils vont grossir les rangs de la population hispanophone.

Alors que faire par delà la saison des pluies? Soyons réalistes ! De quelque manière que ce soit, il faudra bien, tôt ou tard, que le biotope et le secteur agro-alimentaire d'Haïti soient profondément restructurés, et la densité de sa population ajustée en conséquence. Sans ce très sérieux coup de barre, les Haïtiens sont condamnés à une misère et à une dépendance sans fin.

Voir aussi cet article fort intéressant (daté du 12 décembre 2008) de Gérard Tassy, ingénieur à la Société pour le reboisement d'Haïti (SRH).

* Effondrement, «Chapitre 11. Une île, deux peuples, deux histoires : la République dominicaine et Haïti», Jared Diamond, Éditions Gallimard, 2006. 

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