PHILO / De la mise en existence...

Personne ne choisit de venir au monde : ce corps a fait ce choix, si l’on peut dire, bien avant que nous le réclamions comme nôtre et que nous discutions de libre-arbitre et de fatalité , de hasard et de nécessité. (Sans doute, serait-il d’ailleurs plus avisé d’employer, en ce cas, les notions d’autopoïèse ou d’autodétermination.) Nous nous disons « jetés dans le monde » alors que ce corps y fait sa place, tout naturellement, et en se foutant éperdument de nos angoisses existentielles!

Originairement, matériellement, spatio-temporellement, ce corps n’est de personne à personne : être est une chose, être de et à (appartenir) en est une autre. En leurs plus simples manifestations, « l’étant » est corps et actions; « l’existant », lui, est appétences et aversions, formes–connaissances. C’est donc de–dans un corps que « nous » ex–istons, c’est de–dans un corps, ce corps, que nous sommes mis en situation, positionnés en ex–istence dans un certain environnement. Autrement dit, un corps vivant et neuronal, une fois positionné, « nous » ex–iste.

Or, pas plus qu’une roche ou une étoile, le corps n’est « Sens » : il est, voilà tout. C’est un étant, un étant qui participe de ce vaste champ qu’est l’univers, c’est-à-dire de l’Étant.

L’étant, tout comme l’Étant, sont processus, processuels. Comme remous et Rivière. En ce sens, il n’y a pas d’Être derrière l’étant, pas au sens où Parménide le concevait. « On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve », écrivait Héraclite.

Si « l’Être » est, il ne saurait être hors de l’univers : il ne peut lui être que « sous-jacent ». Il nous faut alors le concevoir comme une potentialité, une compacité d’énergie latente susceptible d’une « manifestation » ou d’une « réabsorption », d’un « acte »… que cet acte soit, de notre point de vue, créateur, conservateur ou destructeur. Donc, comme « implicite » à « notre univers » et non hors de lui. Il vaudrait donc mieux nous en tenir aux concepts d’étant–devenant et d’Étant–Devenant, de processus et de Processus, d’événementialité et d’Événementialité, plutôt que d’être et d’Être.

Ceci dit, pas plus que le corps, l’Événementialité n’est « Sens » : elle « est », voilà tout. Elle s’impose, elle perdure en se transformant. Cependant, tout corps vivant dit « sensible », sensible parce que pourvu d’un système nerveux minimalement complexe, génère et entretient activement « du sens » : il fait sens d’un soi, « le sien » dans « son » environnement. Ou plutôt de son milieu, de son monde, son monde étant ce qu’il reçoit et perçoit et, parfois, conçoit de son environnement. Ainsi, si l’environnement d’une mouche et d’une libellule est bien le même, leurs milieux, leurs mondes sont bien différents en raison de leurs corps neuronaux, de leurs corps « neuro–nés ».

Sheng-yen, un maître zen, disait : « L’esprit est une interface entre le corps et son environnement. » Cette proposition, passablement juste, requiert cependant quelques petits ajustements qui permettront de mieux rendre compte de « la réalité », du « monde de tout être sensible », de « la mise en existence ».

De–dans ce corps matériel, biologique et neuronal, mais encore obscur, jaillit la lumière… La toute première « intention » est donc celle qui génère la réalité de tout être sensible, « le monde » qu’est, en partie, chaque être sensible. Cette « intention » originaire, potentielle en tout corps sensible, neuro–né, est le « ressort » qui pro–pulse la réalité en lequel le corps et son environnement–milieu sont désormais « tenus » et « opérés » en existence.

L’existence ne doit donc pas être entendue ici comme résultant d’une in–carnation. Car, de toute évidence, ce n’est pas ici une âme qui s’incorpore, mais un corps qui se « spiritualise ». Et cette « spiritualisation » n’est possible que parce que ce corps est sensible, et il n’est sensible que parce qu’il est doté de neurones, que parce qu’il est neuro–né : il est né ainsi, neuronal.

Si les neurones, liés en réseaux complexes par leur connexions synaptiques et leurs neurotransmetteurs, sont bien matériels et biologiques, leur activité n’en génère pas moins ce que l’on nomme « les phénomènes », « la sensation », « la sensibilité », « la perception », « la connaissance », « l’expérience », etc. C’est-à-dire « l’esprit » (au sens de « mind », c’est-à-dire de « mental ») et, à des niveaux de complexité dits supérieurs, « la conscience » et « la conscience de soi », etc.

Chaque réalité de chaque être sensible, minimalement complexe, est donc « sens » : sens de soi, en soi, pour soi… et de et dans son milieu. Ou, à tout le moins, une « événe–mentalité », un processus plus ou moins complexe et intégré de formes–connaissances.

A+

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